L'Humanité : Toute la gauche en quête de projet
Toute la gauche en quête de projet
Un paysage éclaté
La fin de semaine a été marquée par un intense travail à gauche. Mobilisations des courants socialistes autour de Ségolène Royal et de l’aile gauche du PS incarnée par Henri Emmanuelli et Benoît Hamon en vue du congrès de Reims, rencontre des comités pour un Nouveau parti anticapitaliste (NPA), lancés par la LCR, rassemblement des « communistes unitaires » décidés à poursuivre l’expérience des collectifs antilibéraux avec ce qu’il en reste, après l’échec de la présidentielle, ce week-end, réunion de la direction du PCF, mercredi et jeudi derniers, sur la méthode et le contenu de son 34e Congrès. Les Verts, le MRC et le PRG ne sont pas en reste, avec la tenue du conseil national du parti écologiste, la semaine précédente, qui cherche les voies d’un rassemblement de ce courant politique, et les congrès à peine achevés des deux autres formations. Un paysage éclaté entre les échéances propres à ces différentes organisations, donc, mais qui reflète aussi leurs tiraillements, partagées par des orientations contradictoires au sein de la gauche.
Un espace politique béant
Au point de départ, cependant, une interrogation commune : comment reconstruire la gauche après son double échec à la présidentielle et aux législatives, que les élections locales de mars dernier n’ont pas effacé ? L’attente, en effet, est grande, et l’espace politique béant, vu l’impopularité record de la politique de Nicolas Sarkozy, et la contestation qu’elle suscite dans des couches de la population de plus en plus larges, à en juger par l’ampleur et le nombre des mobilisations. Mais celles-ci, et la gauche avec elles, butent sur un mur pour l’instant infranchissable : celui de l’absence d’une alternative réelle, identifiable et crédible au remodelage ultralibéral du pays engagé par Nicolas Sarkozy, qui permette de les faire converger autour d’une vision de société partagée.
Pluralité féconde, ou paralysie ?
Chaque formation tente d’y répondre, pour l’instant en ordre dispersé. Cette pluralité pourrait être une chance, si n’était présent le risque bien réel de la paralysie à travers des approches présentées comme inconciliables entre deux pôles se disputant l’hégémonie médiatique avec, d’une part, une gauche dont l’aspiration au gouvernement devrait s’accommoder d’un pragmatisme confinant au renoncement à la transformation de la société, représentée principalement par Ségolène Royal et Bertrand Delanoë, et d’autre part, un pôle contestataire, incarné par Olivier Besancenot, et dont la radicalité de principe interdirait tout rapprochement avec « l’autre gauche ».
Tête-à-tête réducteur PS-LCR
Cette présentation simplifiée a encore eu la préférence des médias, ce week-end, à la faveur de la couverture du meeting de Ségolène Royal à la Maison de la chimie et de la réunion du NPA à Saint-Denis. À cette occasion, Olivier Besancenot a réaffirmé, dans le Figaro, sa conviction que « chercher à peser de l’intérieur dans de nouvelles alliances avec un Parti socialiste qui s’inscrit de plus en plus dans le cadre de l’économie de marché ne peut déboucher que sur une impasse ». Comme en miroir, dans une interview au Journal du dimanche, Julien Dray (PS) lui répliquait en affirmant que, pour éviter une « compétition désastreuse » qui « profite toujours au gouvernement de droite », le PS devait être au « coeur d’une grande coalition arc-en-ciel moderne », dont les membres n’ont pas vocation à « faire en permanence la leçon à la gauche réformiste ».
PS : retour aux fondamentaux ?
Pourtant, la gauche est loin de se résumer à ce tête-à-tête. Au sein même du Parti socialiste, comme au Parti communiste ou dans les cercles de la gauche syndicale ou associative, se cherchent, sans faire fi des profondes divergences, les moyens de sortir la gauche des ornières de l’impuissance et/ou du renoncement. Un travail forcément long et laborieux, tant les obstacles et le poids des échecs passés sont difficiles à dépasser. La gauche du PS tente de se réarmer idéologiquement, après les errements de la « synthèse » fourre-tout du congrès du Mans et de la campagne présidentielle, pour contrer la tentative de mutation du PS en Parti démocrate à l’italienne abandonnant les fondamentaux socialistes. Mais l’unité de ses courants sur des bases claires reste un chantier décisif pour espérer peser sur le congrès de Reims.
PCF : sortir
du « ni-ni »
De son côté, le PCF qui veut sortir de la posture peu lisible du « ni-ni » (ni social-libéral, ni extrême gauche), s’est lancé dans la préparation d’un congrès à l’ordre du jour pour le moins ambitieux. Celui de refonder son projet politique, de clarifier ses alliances et la construction du rassemblement populaire à opérer pour lui donner une assise majoritaire qui le rende immédiatement réalisable dans les institutions, et de transformer son organisation pour la mettre au service de cette ambition. Un vaste chantier qui donne prise à des options contradictoires dont le débat n’en est qu’à ses balbutiements, faute d’avoir vraiment commencé à irriguer tout le parti, de la base au sommet.
Sébastien Crépel