Petite contribution sur la séquence que nous traversons

Il y a bien des raisons d’être en colère. La dérive droitière du PS nous laisse un espace important à gauche et des possibilités de construction sans précédent.
Nous sommes confrontés à une situation paradoxale. Depuis l’arrivée au pouvoir de Sarkozy, le PS a choisi de ne s’opposer que sur l’accessoire à la politique du gouvernement tout en renonçant à s’opposer sur le fonds comme on a pu le voir sur les régimes spéciaux et le traité européen. En même temps, le PS a encore approfondi son virage à droite en multipliant les alliances avec le Modem et allant jusqu’à signer en la personne de ses principaux dirigeants l’appel « républicain » de Marianne, appel signé également par les dirigeants du MODEM, Villepin, un souverainiste d’extrême droite (Dupont-Aignan) et un paléo-stalinien (Gerin).
Et ce parti de plus en plus discrédité s’apprête à capitaliser à son profit le mécontentement populaire grandissant contre la politique de Sarkozy, à prendre ou à reprendre des mairies importantes, à renforcer son hégémonie. Et nous, la gauche de transformation sociale, qui nous sommes efforcés de mobiliser et de résister contre la droite et le patronat ? Nous ne capitaliserons pas grand-chose, nous existons si peu. C’est le PS qui incarnera, aux yeux de nombre de nos concitoyens le refus de la droite et attirera leurs suffrages. Ce n’est pas juste ? Sans doute mais à nous de prendre nos affaires en mains.
Un exemple illustre bien notre situation. A Toulouse (PJ 1), une liste conduite par François Simon, ancien candidat PS à la mairie de Toulouse mais qui a quitté le PS, et qui regroupe collectifs anti-libéraux, altermondialistes, anciens du PS est créditée de 6% tandis que la liste de la LCR et des Motivées l’est de 4%. Combien aurait fait une liste unifiée ? 10% ou davantage en profitant de la dynamique du rassemblement ? Cette liste aurait sans doute pu se maintenir au second tour sans même négocier d’accord technique avec le PS.
Mais à Paris, la situation n’est pas meilleure qu’à Toulouse. Enfermés dans une spirale de l’échec, nous avons raté le coche. Sauf dans le 19ème où une liste (PJ 2) associe LCR, CUAL, communistes unitaires, militants de la gauche socialiste, syndicalistes, militants associatifs….
Nous avons vite compris que nous n’arriverions pas à rompre le lien de sujétion qui relie le PCF au PS mais il était possible de réussir dans plusieurs arrondissements ce qui a été possible dans le 19ème, notamment dans le 18ème, le 20ème, le 10ème. Devons nous nous résigner à construire si le PCF ne veut pas construire avec nous ?. En ce cas, nous ne construirons pas grand-chose.
La nouvelle force ? Il nous la faut, elle est indispensable mais elle n’avance guère.
Divers courants de gauche existent au PS : PRS, Démocratie et Socialisme, Forces Militantes. Ces courants faisaient le pronostic que la dérive du PS amènerait en ses rangs une fragmentation et l’émergence d’un courant de gauche qui serait amené à rompre avec la direction social-libérale. La dérive est là, mais pas la différenciation, pas l’émergence d’un courant de gauche significatif dans le parti. Les dirigeants de ces courants parlent parfois de quitter le PS. Ils expliquent aujourd’hui que les conditions ne sont pas mures, qu’ils sortiraient en trop petit nombre. Mais qu’est ce qui permet à ces camarades de penser, au vu de ce qu’est devenu le PS, que les conditions d’un départ seront meilleures à terme ?
A l’occasion du dernier CN du PCF, le courant rénovateur a déposé une motion condamnant la participation des communistes à des listes où figurerait le Modem. Le texte de cette motion disait simplement : « il est exclu que les communistes participent à des listes incluant le Modem, d’une manière ou d’une autre ». Les communistes rénovateurs ont été sévèrement battus : 80 voix contre, 9 pour, 13 abstentions, les « orthodoxes » apportant leur soutien à la direction. Dans une contribution réagissant à ce CN, deux membres rénovateurs du CN, Gilles Alfonsi et Philippe Stierlin, déplorent l’échec de leur motion mais aussi l’absence de débat dans le parti pour comprendre « comment on est arrivé là » et notamment l’absence de réflexion sur l’échec à « constituer avec d’autres un espace de la gauche de transformation sociale ». Le vote du CN montre qu’en effet le PCF tourne le dos à cette perspective choisissant le rôle de force d’appoint au social-libéralisme et n’agissant que pour exister encore en conservant les élus que le PS veut bien lui accorder. Les communistes unitaires sont une composante indispensable d’un parti anticapitaliste large. Peuvent ils sérieusement conserver l’espoir de redresser leur parti ? Malheureusement, ils apparaissent peu structurés et n’arrivent pas (pour l’instant…) à se constituer en force de proposition à même de prendre des initiatives. Participer concrètement à la mise en place d’une force nouvelle n’est pourtant pas incompatible avec une bataille interne et au contraire la redynamiserait.
Ce qui reste de la « coordination parisienne » des collectifs anti-libéraux s’est constitué en coalition électorale avec Les Alternatifs à l’occasion des municipales. Les Alternatifs réalisent un bon coup et tirent bénéfice d’être le seul courant politique en tant que tel à participer encore à la coordination nationale des collectifs anti-libéraux. La « coordination parisienne » peut elle encore prétendre constituer un cadre unitaire alors qu’elle a désormais une réalité bien différente, celle d’un courant politique stratégiquement délimité de plus se réclamant des « acquis » de la campagne Bové. L’ « exécutif provisoire » des collectifs, Ponce Pilate à dix têtes, se garde bien de caractériser la situation parisienne comme il se garde de caractériser la présence d’un de ses membres, Rémy Jean, sur une liste ségolèniste à Aix en Provence. En quoi, par ailleurs, l’ « exécutif provisoire » a-t-il avancé dans la mise en place des Etats Généraux de la Gauche de Transformation Sociale ?
« Maintenant à Gauche » travaille à maintenir un espace de débats entre les divers courants de la gauche de transformation sociale. C’est une tache indispensable. Mais le report de la réunion dont MAG avait pris l’initiative afin que ces courants puissent échanger entre eux montre bien les limites de l’exercice. Car les efforts de MAG sont totalement tributaires de la bonne volonté des différentes organisations. Et l’aiguillon des collectifs étant pour le moins émoussé, cette bonne volonté n’est pas avérée. On est pourtant passé du projet des Etats Généraux où la nouvelle force devait voir le jour à celui bien plus modeste d’un forum sur la manière de résister à Sarkozy. Cette modestie n’a pas empêché le report de la réunion, prévue le 14 février à l’après-municipales.
Reste la LCR. Le rétrécissement du courant minoritaire, du notamment au départ de la Ligue de nombre de militants expérimentés, affaiblit les perspectives unitaires de la gauche de transformation sociale. Des camarades de la majorité dénoncent l’idée d’un parti large dont ils imaginent les défenseurs y inclure le PS (une proposition que pourtant personne ne défend) et lui opposent l’idée d’un parti regroupant les seuls révolutionnaires. Mais aucun courant « révolutionnaire » ne s’est proposé pour construire avec la Ligue le « Nouveau Parti Anticapitaliste » et une telle conception n’aboutirait qu’à un renforcement marginal et très fragile de la Ligue. Il serait caricatural de présenter cette stratégie comme partagée par l’ensemble de la majorité. Nombre de camarades défendent un projet large construit avec d’autres mais pointent qu’aujourd’hui aucun courant au niveau national n’est prêt à sauter le pas. Pour autant des configurations intéressantes du NPA se dessinent ici et là comme à Marseille ou dans le Pas de Calais.
On peut évidemment analyser la mise en place du NPA de diverses façons. On peut estimer qu’une organisation qui a plutôt le vent en poupe et dispose d’un dirigeant médiatique prend le risque de se saborder pour tenter de rassembler. On peut aussi juger que la Ligue ne prend pas grand risque en mettant en place un processus qu’elle contrôle de prés et qui de ce fait va réduire le NPA à une LCR élargie.
Cependant, la LCR assure vouloir construire le NPA avec d’autres et se défend de verrouiller sa mise en place. Le NPA connaît un certain écho plutôt auprès de nouveaux militants, inorganisés pour la plupart. Comment réagir aux réunions visant à mettre en place le NPA ? Faut il les ignorer ? les combattre ? ou bien prendre les dirigeants de la LCR au mot ?
Dans le 18ème, nous comptons organiser une réunion publique sur la nouvelle force après les élections, sans doute en mai. J’ai proposé qu’il ne s’agisse pas d’un forum de plus mais que nous mettions en place un comité d’initiative pour un parti anticapitaliste en nous adressant à la LCR, aux communistes unitaires et à tous ceux qui ont été partie prenante des batailles unitaires de ces dernières années. Bien sur il faut s’adresser aussi aux partis en tant que tels mais ne pas s’enliser si le PCF en tant que tel ne participe pas au processus car il est à peu prés inimaginable qu’il y participe.
Est il imaginable d’organiser de telles réunions dans d’autres arrondissements parisiens ?